Porte qui grince. Mouvement de pas légers de pieds nus sur le sol. Quelques gouttes de sang qui viennent l'accompagner. Corps qui tombe lourdement sur un canapé de l'aéroport. Vengou venait de rentrer, et comme a son habitude portait des marques de blessures moyennement graves. Moyennement graves pour une sacrieuse... De telles blessures, sur un autre, serait sans doute considéré comme " grave "... Puis elle voit, en face d'elle, un petit bout de papier. Du papier craft, roulé en boule, froissé et coloré. Attirée par sa curiosité, elle découvre en l'ouvrant que les taches sont des mots, et qu'ils forment une phrase. Une phrase signée d'un " D. " majuscule pointé.
Elle referme le papier, clos ses yeux et les masse, puis attend, un moment, que se tasse le temps qui passe. Mais personne ne vient. Personne, personne, personne. Au moment où elle allait se lever, une voix féline lui lance, venant du haut:
" Je te croyais curieuse, pour avoir ouvert ça... Ne l'es-tu donc pas assez pour faire lever ton nez? "
Je me laissais tomber, assez mollement d'ailleurs, de la poutre qui, depuis un moment, me servait de perchoir. Me réceptionnant avec mon agilité féline habituelle, je me trouve un instant nez à nez avec elle, mes grands yeux bleus plongés dans ses orbites blancs. Puis je glisse en arrière, tombant dans l'autre canapé.
Il faisait tard, le début du soir, et autant que j'en sache, nous étions seuls dans la demeure. Apparemment, ma descente l'avait surprise. En même temps... A part Elrawen, personne d'autre que moi n'utilisait les poutres comme perchoir. Ces endroits devenaient des nids douillets, d'une certaine façon et souvent je me surprenais à y passer la serpillère pour avoir un perchoir tout beau tout propre.
Quand Veng' retrouva assez de contenance, ce qui ne prit pas longtemps, pour me demander pourquoi je voulais lui parler, je l'interrompu d'un doigt tendu, un petit sourire malicieux sur le visage.
" Pour la même raison qui t'a poussé à ouvrir ce papier laissé au sol~ La curiosité... Je vais te dire, la curiosité ne fait pas un bon défaut... C'est un trait bien meilleur comme qualité. "
Extirpant un crayon bois de ma besace, ainsi qu'un petit carnet à croquis, je commençais, tout en déversant mes paroles, à crayonner des formes abstraites, monstres d'un autre temps, êtres d'un autre monde, qui ne ressemblaient à rien de ce que l'on trouvait en Amakna, ou où que ce soit ailleurs sur le monde des douze.
" Tu m'intrigues Vengounette... Depuis la première fois... J'ai toujours perçu un petit quelque chose, sans pouvoir mettre le doigt sur ce que c'était, qui me perturbais chez toi, et les évènements auxquels j'ai pu assister n'ont pas été pour contredire cette sensation... "
Pause. Pose. Le temps sur le premier, le crayon sur le second. Je fixais à nouveau la blonde sacrieuse dans le blanc des yeux, quelques éclairs minuscules, imperceptibles, s'échappant de mes pupilles pour partir gambader puis disparaître sur mon visage. J'avais enfin mis le doigt sur ce qui clochait, mais en même temps, plusieurs choses s'étaient déroulées depuis ma dernière rencontre avec elle...
" Les choses ne sont jamais ce qu'elles paraissent... Les apparences sont toujours trompeuses... C'est pourquoi j'essaye de ne pas juger une personne au premier regard. Et toute ce qui vient chatouiller mon regard attise ma curiosité... Par exemple, tu pourrais me dire d'où te viennent tous ces coups...? Je ne crois pas... un éclair plus gros que les autres s'échappa de l'oeil gauche du félin, se fondant dans l'air. Il restait petit, mais était plus visible que les autres Que ça te vienne d'un combat contre le genre de monstre qu'on croise tous les jours... "
Ces mots, je les avais prononcé en fronçant légèrement les sourcils, et en durcissant le ton de ma voix, habituellement fluette et enfantine. Mais bien vite, ne laissant de ces paroles qu'une impression de rêve éveillé, je tendais à Vengou quelques morceaux de chocolat, le regard aussi bienveillant, et la voix aussi candide que d'habitude... Et la conversation avait tourné, dans les minutes qui suivaient, à une conversation aussi banale que le " coucou ça va? " et le " comment s'est passé ta journée? ".